Affranchis de toutes les frontières imposées après la décolonisation de l’Afrique Occidentale Française, les pygmées sont difficilement recensables. Ils seraient encore entre cent mille et deux cent mille dispersés sur un immense territoire qui va des grands lacs à l’Océan atlantique, du Rwanda au Cameroun. Ils se répartissent entre différentes ethnies : Baka au Cameroun et au Gabon, Efé au Congo, Batwa dans la région des grands lacs et Aka en Centrafrique, tous sont maintenant confinés dans une forêt qui rétrécit sous la pression des forestiers. Beaucoup échouent sur le bord des routes dans des campements insalubres. La raréfaction du gibier et la réduction de leur espace vital, dues à la déforestation de cette région, les contraignent à se sédentariser, à la périphérie des villages bantous, et à adopter l’agriculture. Employés dans les plantations, ils se retrouvent à la merci des Bantous, qui les considèrent comme des sous-hommes, voir des animaux, du fait de leur petite taille et de leur mode de vie. Payés en cigarettes ou en alcool, leur condition s’apparente vite à celle d’esclaves…

Sous couvert de leur venir en aide, les Aka deviennent également la proie ces dernières années des prêcheurs de « bonne parole ». Les pygmées représentent dans cette région le dernier peuple encore animiste, Ezengué, l’esprit de la forêt constituait leur seule croyance. Dans tout le pays, les grandes communautés religieuses se livrent une lutte d’influence pour récupérer dans leur giron les derniers esprits libres de la forêt. Toutes tentent de sédentariser les pygmées dans des villages mieux organisés que leur campement. Dans la préfecture de Sangha, Bélemboké est la plus ancienne et la plus exemplaire de ces installations. Les pères catholiques l’ont créé il y a 35 ans, pour oeuvrer au développement du peuple Aka et les aider à s’émanciper du joug de leurs maîtres bantous. L’ambition du projet était alors de construire un vrai village où les pygmées puissent bénéficier de soins de bonne qualité, d’une éducation scolaire et s’initier à l’agriculture de telle manière à ne plus dépendre des villageois pour les produits de première nécessité. Trois décennies plus tard, le bilan est plutôt mitigé. Sauf sur un point, les quatre églises construites dans la région ne désemplissent pas.

En adoptant la même religion qu’eux, les Pygmées Aka ont gagné le respect des Bantous. Accédé au statut d’être humain. En contrepartie, les polyphonies pygmées, classées comme patrimoine Mondial Oral et Immatériel par l’UNESCO en 2003, sont remplacées par les chants liturgiques. Pour les pygmées, l’émancipation et la modernisation a un coût. La forêt équatoriale se réduit de jour en jour et avec elle, lentement, Ezengué se meurt.


Dans certain village, l’émancipation et la modernisation a un coût, celui de la conversion au christianisme. Les communautés pygmées sont une aubaine pour les obédiences religieuses de tout bord, c’est le dernier peuple de Centrafrique non encore converti à l’une des grandes religions monothéistes.


Exploités de toute part, les pymées Aka de Centrafrique puisent leur liberté au milieu de cette forêt où ils règnent encore en maîtres. Bien que les Bantous dépendent des Aka pour la chasse, la cueillette des feuilles de coco ou l’approvisionnement en plantes médicinales, à l’orée de la forêt, ceux-ci les asservissent pour leurs corvées domestiques.


Les Akas sont un peuple nomade. Autrefois, ils déplaçaient leur campement dans la forêt au gré des saisons, mais la déforestation les pousse à se sédentariser de plus en plus sur le bord des grands axes routiers. Les campements de huttes traditionnelles, normalement provisoires deviennent alors insalubres.


Encore assez méconnus car isolés du reste de la société centrafricaine, les pygmées Aka tentent de préserver leur mode de vie traditionnel bien que leur environnement naturel recule.


Pour les pygmées, la forêt fournissait à la fois protection, nourriture et remèdes. Aujourd’hui son recul les a forcés à en sortir et leur savoir ancestral est menacé de disparition.


Départ pour la chasse. Sauf lorsque les Bantous les envoient chasser au fusil pour eux, les Aka chassent encore de manière traditionnelle avec filets et sagaies. / Les feuilles de coco font partie de la base alimentaire des Centrafricains. Seuls les pygmées ont la connaissance et la dextérité pour les cueillir sur la cime des arbres. Pour ce travail, les bantous les rémunèrent avec quelques cigarettes, des vieux vêtements ou de l’alcool.


Chasse aux filets.


Les chenilles sont un met très apprécié des pygmées Aka, à la saison des pluies, la plupart d'entre eux quittent leur campement et rentrent en forêt pour plusieurs semaines dans le but de récolter ces chenilles.


La cueillette des feuilles de coco devient omniprésente dans le quotidien des Aka. Victime d'un commerce de troc déséquilibré, les Aka s'endettent auprès des wali-coco pour une bassine en plastique, une paire de tongues ou un tee-shirt, quand ce n'est pas simplement pour de l'alcool. Pris dans un cercle vicieux, le coco prend le pas sur toutes les autres activités, modifiant profondément leur mode de vie.


Pour quelques bâtons de cigarettes, les wali-coco font transporter par les pygmées leur sac de 50 kg de feuilles de coco. Plusieurs dizaines de kilomètres séparent le campement de la rivière Lobaye où le coco sera acheminé par pirogue puis par camion jusqu'à Bangui.


Progressivement, grâce aux sensibilisations réalisées par les ONG, les pygmées Aka commencent à prendre conscience de leurs droits et à tenter de se faire respecter autant par leur maître que par les wali-coco. Ce matin, Bombé, le chef du campement de Wazengué manifeste sa colère contre Nadège une commerçante de Bangui qui demande beaucoup trop de bottes de coco en échange de vieux tee-shirt déjà bien usés. Après négociation, la wali-coco reste encore très largement gagnante dans ce commerce de dupe.


Village de Mossebou, Abel Ngonzo (à gauche) est le maître de tous les pygmées du campement de Ngombo. Il pause fièrement à coté de ses pygmées qui lui ont été transmis par son père.


Village de Mossebou, un maître bantou et « ses » pygmées. Celles-ci sont exploitées pour différentes tâches ménagères, elles n’ont pas le droit de quitter le campement situé derrière le village.


Parce qu’ils vivent de manière traditionnelle dans la forêt et sous leurs petites huttes de branchage, les pygmées Aka sont considérés par la plupart des bantous comme des sous-hommes, sales et sauvages qu'il faut éduquer. C'est à ce titre qu'ils sont maintenus en esclavage par les villageois.


Augustine Acomagna a reçu deux balles dans le dos l'année dernière alors qu'elle travaillait dans son champ. Elle connaît son agresseur, un bantou de la région. Encore aujourd'hui, elle garde en elle l'une des balles qui l'ont touché et ressent toujours de violente douleur dans le dos. Son cas nécessiterait une opération, mais elle n'a pas les moyens d'aller à l'hôpital. Elle reste persuadée que ces coups de feux étaient volontaires mais le responsable n'a jamais été inquiété par la justice. Les Aka n'osent généralement pas porter plainte contre un Bantou de peur de représailles supplémentaires. Grâce à l'aide de certaine ONG dont COOPI international, de plus en plus d'exactions sont dénoncées et portées devant les tribunaux, mais les sanctions restent encore très superficielles.


Village de Bélemboké.


Le Père Michael sillonne la région de Bélemboké chaque semaine pour donner la messe dans les villages pygmées environnants.


Messe du dimanche menée par le pasteur Martin dans le temple de l'église de coopération évangélique de Grima.


A Ngouma, l’émancipation et la modernisation a un coût, celui de la conversion au christianisme. Les communautés pygmées sont une aubaine pour les obédiences religieuses de toute sorte car c’est le dernier peuple de Centrafrique non encore converti à l’une des grandes religions monothéistes. / Après la messe, le père Michael visite certaine famille où des malades qui n'ont pu se déplacer à l'église reçoivent la communion à domicile.


A Bélemboké, un autre village chrétien où les pygmées sont sédentarisés depuis 35 ans, la messe est célébrée chaque dimanche par le père Michael et les sœurs de la communauté.


Dispensaire de la communauté religieuse de Bélemboké.


A Bélemboké, la messe du dimanche est célébrée par le père Michael. Depuis bientôt 35 ans que les pères ont sédentarisé cette communauté pygmée, la plupart d'entre eux se sont convertis au christianisme.


A Bélemboké., village construit par une communauté chrétienne, les pygmées sont définitivement sédentarisés depuis plusieurs années.


Ce pygmée appartient à Paul Amobounomokawode, maître bantou. A la saison sèche, il travaille dans les plantations de son maître pour débroussailler les champs. Depuis plusieurs jours il n’a reçu qu’un peu de vin de palme pour tout salaire. / Jean Tecombo, l'ancien du village de Lokoumba. Il fut le premier musulman de son campement il y a plus de 15 ans. Depuis deux de ces fils ont fait le voyage de la Mecque, une mosqué s'est construite en 2002 et la majorité des pygmées de Lokoumba est désormais converti à l'islam.


Prière du vendredi dans la petite mosqué pygmée de Lokoumba construite en 2002 grâce au soutien financier de l'Association des Musulmans d'Afrique (AMA).


Office du vendredi soir dans le temple de l'église de coopération évangélique de Grima. Ce temple a été construit spécialement pour le campement pygmée par des prêcheurs venus évangéliser les Aka. A présent, ceux-ci ont moins besoin de se déplacer puisque, Martin, le nouveau pasteur aka continue le travail d'évangélisation auprès de ses semblables.


La musique et les chants polyphoniques pygmées sont très réputés. Ils sont pratiqués normalement en l'honneur de l'esprit de la forêt Ezengué, mais avec l’apparition des nouvelles religions, il n’est pas rare que ces fêtes se fassent en catimini, loin des prêcheurs.


Le tradi-praticien Matunda Alube exorcise le mal du corps d'Emmanuel qui souffre depuis plusieurs jours de violentes douleurs au ventre. Les féticheurs pygmées sont très craints et respectés dans tout le pays pour leur puissance. Beaucoup de villageois bantous se déplacent en forêt pour se faire soigner par ces spécialistes des plantes médicinales.


A Nguma, village construit par une communauté chrétienne, les pygmées sont définitivement sédentarisés depuis plusieurs années. Les enfants de Nguma bénéficient d’une école magnifique où ils apprennent le Français et le Sango, la langue bantou, mais pas leur langue.


Ces dernières années, beaucoup de pygmées se sont rapprochés des villages, installant leur campement sur le bord des routes comme ici à Zouméa. Cette sédentarisation entraîne de nombreux problèmes d'hygiène et d'approvisionnement. En effet, la nourriture que les pygmées ont l'habitude d'aller chercher en forêt se fait de plus en plus rare autour du campement. C'est tout leur mode de vie qui s'en trouve bouleversé par la transformation des hommes de la forêt en villageois cultivateurs.